DÉCOUVERTE

La Villa BANK, Arles |

Architecte Émile Sala (1913-1998).

Avril 2017

La villa Bank fait partie d’un ensemble de deux villas individuelles mitoyennes construites entre 1971 et 1974 par l’architecte Emile Sala pour les familles Bank et Benkemoun. Situées à Arles, dans la plaine agricole de Fourchon, elles constituent un ensemble architectural homogène étonnant. Nous proposons ici la présentation de la villa Bank consécutivement à sa récente visite et découverte.

Une véritable démarche participative
C’est au contact de Paul Quintrand qu’il fréquente à Arles dès les années 1960 qu’Emile Sala développe au début des années 1970 une approche participative de la conception architecturale. Il fait des époux Bank et Benkemoun des acteurs de la conception de leurs demeures. Il utilise pour cela un « cahier de renseignement ». Dans ce carnet qui formait contrat moral et guidait le dialogue entre l’architecte et ses clients, les maîtres d’ouvrage devaient écrire tout ce qui pouvait permettre de définir un programme détaillé individualisé. Ce moment de dialogue précédant la conception était aussi l’occasion pour les clients de préciser leurs attentes : une architecture contemporaine, privilégiant le « dedans-dehors », les « courbes », les « lignes douces » et des « volumes qui épousent les vallonnements du terrain » (entretien avec monsieur et madame Bank, 2010), à l’image de l’architecture de Frank Lloyd Wright ou de Jean Balladur.

Programme
Bien que généreuse dans ses proportions, la villa Bank conserve l’échelle d’une maison familiale (surface habitable 270 m²). Il s’agit de construire la résidence principale d’un couple ayant de jeunes enfants. Cette demeure doit garantir confort et intimité à ses habitants – notamment par une indépendance entre la chambre des parents du rez-de-chaussée et celles des enfants de l’étage – tout en offrant de généreux espaces de vie commune (cuisine, salle à manger, living-room). Elle doit également comprendre des annexes techniques (garages, pièces de rangement, cellier, lingerie, séchoir), des espaces de travail (bureau, atelier) et pouvoir accueillir des hôtes de passage (chambres d’amis).

Genèse et chronologie des projets
Les constructions des villas Bank et Benkemoun sont concomitantes. L’achat du terrain, qui intervient en 1970 est immédiatement suivi par le choix de l’architecte et le lancement des projets. Compte tenu de la démarche d’Emile Sala, plusieurs mois de dialogue et d’échanges précèdent les propositions architecturales. Dans les deux cas, les premières esquisses et maquettes sont proposées par Emile Sala en 1971.

La mise au point des plans et le dépôt des demandes de permis de construire interviennent à l’automne 1971. La construction des deux villas débute à la fin de l’année 1971 et est confiée au même entrepreneur : l’entreprise Maniglia. La villa Bank est achevée deux ans plus tard en décembre 1973 ; la villa Benkemoun est livrée à ses propriétaires l’année suivante en octobre 1974.

Une architecture placée sous le signe de l’interaction
L’architecture de la villa, son implantation, son orientation, ses ouvertures, les terrasses et toitures-terrasses, tout est pensé pour interagir avec l’environnement. S’inscrivant dans la dynamique d’émergence des premières approches « bioclimatiques » des années 1960, Emile Sala est particulièrement soucieux de proposer une architecture qui prenne en compte les potentialités paysagères, physiques et climatiques du site.

Emile Sala dispose d’un terrain de forme régulière, relativement plat, hérité du parcellaire agricole. Il place les deux villas au cœur des parcelles, de façon à garantir l’intimité de chacune des deux familles, selon une diagonale marquant la direction nord-ouest/sud-est. De cette manière, il optimise l’orientation des habitations : comme il est d’usage de le faire en Provence, les villas Bank et Benkemoun sont largement ouvertes au sud et très parcimonieusement au nord afin de les protéger du vent dominant, le Mistral. Les courbures des façades méridionales accentuent cette protection.
La relation au paysage passe également par le jeu des percements qu’Emile Sala détermine selon une double démarche : depuis l’intérieur, créer des vues privilégiées sur la nature ; depuis l’extérieur, animer les façades selon « une logique harmonique » (Sala Emile, Note de présentation de la villa Bank).

Le concept d’architecture organique
Emile Sala s’inscrit ainsi dans un courant plus large qui, au tournant des années 1960 et 1970, revisite le concept d’architecture organique dont Frank Lloyd Wright et Alvar Aalto avaient été les précurseurs au tournant du XXe siècle. Aussi, dès les balbutiements du projet, les tracés orthogonaux sont-ils rejetés au profit d’une architecture tout en courbes et en contrecourbes. Emile Sala n’aura de cesse de créer des espaces fluides et dynamiques, des volumes souples et extensifs, des alternances de lumières et d’ombres. Pour cela, il bannit la ligne droite, privilégiant l’articulation de profils convexes et concaves. L’architecte fonde également sa démarche sur une série de tracés régulateurs dont il est aujourd’hui difficile de restituer toute la logique.

Si la facture est contemporaine, il n’en demeure pas moins que l’architecture d’Emile Sala intègre une dimension locale perceptible dans les tours circulaires qui ne sont pas sans rappeler les pigeonniers provençaux, ou encore dans les crépis épais de couleur ocre qui servent au revêtement des façades.
Une grande variété d’espaces résulte de cette organisation spatiale : certaines pièces sont circulaires, d’autres sont elliptiques (salle à manger). La plupart des espaces adoptent en fait des formes aléatoires qui semblent déterminées par la seule volonté d’éviter les cloisonnements orthogonaux. Il en résulte une succession de visions et d’ambiances qui, dans l’esprit d’Emile Sala, devait permettre de restituer un « univers féérique dont rêvent parfois les enfants » (Sala Emile, Note de présentation de la villa Bank).

L’exceptionnelle liberté accordée par les maîtres d’ouvrages a été une aubaine pour Emile Sala. Cette pleine confiance a permis de livrer deux architectures très personnelles, en marge de la production habituelle. Au vue de ces deux villas des années 1970, il est certain que l’habitat individuel a été et reste un laboratoire d’expérimentation architecturale formidable.

Source : INVENTAIRE DE LA PRODUCTION ARCHITECTURALE ET URBAINE  – Départemental de l’Architecture et du Patrimoine 13 – Antenne d’Arles – Équipe chargée d’étude : Eléonore Marantz-Jaen / Frédérique Bertrand / Arlette Hérat – 2010.