Mistral gagnant |

Vent de fraîcheur pour le Museon Arlaten, Arles.

Juin 2018

Le MISTRAL GAGNANT était durant les années 60 un bonbon rafraîchissant. Dans les premières versions des petits sachets verts, le mot « GAGNANT » pouvait se trouver à l’intérieur et autorisait l’échange de l’emballage vide contre un nouveau sachet. Une métaphore toute trouvée pour exprimer le vent de fraîcheur dont profite depuis quelques années le Museon Arlaten. Créé à l’initiative du poète provençal Frédéric Mistral, le musée connaît ces temps-ci une formidable opération de rénovation, associant à la fois la mise en conformité technique du bâtiment comme l’amélioration des espaces d’exposition, ainsi que l’aménagement d’un centre d’excellence en matière de conservation préventive, le CERCO. Présentation de ce vaste projet multiple.

Le lieu de mémoire

Le Museon Arlaten a été créé en 1895 à l’initiative du poète provençal Frédéric Mistral (1830-1914). Âgé de soixante-cinq ans et alors qu’il écrit sa dernière grande œuvre en vers Lou Pouèmo dou Rose (Le Poème du Rhône), il a l’idée de la création d’un musée qui prolongerait l’œuvre littéraire du Félibrige. Le Félibrige, mouvement qu’il a créé avec ses amis en 1854, avait pour objectif de sauvegarder la langue d’oc en donnant à sa littérature un souffle nouveau, mais aussi de sauvegarder les traditions provençales menacées par les transformations de la société.

Frédéric Mistral – Les fondateurs du Félibrige.

L’écrivain imagine un ensemble muséographique dédié à sa région natale pour y présenter les manières de vivre, de travailler et de penser. Le musée ethnographique lui paraît alors la solution la plus appropriée pour affirmer cette identité régionale. Avec le concours d’Émile Marignan, médecin féru de préhistoire et d’ethnographie, il suscite une grande collecte d’objets ethnographiques (outils, meubles, costumes, mais aussi images, chansons etc.) dans le pays arlésien. Les Arlésiens sont alors si enthousiastes et leurs apports si importants qu’ils rendent possible dès 1899 l’ouverture d’un second étage au Tribunal de Commerce, où les objets étaient alors présentés. L’inauguration a lieu à l’issue des Fêtes d’Arles, le jour de la Sainte Estelle, fête annuelle du Félibrige. Afin d’assurer la pérennité de son projet, Frédéric Mistral lègue alors sa collection au Conseil général des Bouches-du-Rhône, propriétaire du bâtiment.

En 1904, l’attribution du prix Nobel de littérature – et la somme d’argent qui l’accompagne – permet à Frédéric Mistral d’acquérir l’ancien collège municipal (ex collège des Jésuites), un vaste espace composé de plusieurs bâtiments imbriqués, et d’y aménager le musée. Ce lieu emblématique au cœur de la cité comporte l’Hôtel Laval-Castellane, bâtiment de la Renaissance, devenu au XVIIIe le collège des Jésuites et classé monument historique, un hôtel particulier, des vestiges du forum romain dégagés au début du XXe siècle et classés patrimoine mondial de l’UNESCO, ainsi qu’une chapelle bâtie en 1654, caractéristique de l’architecture classique et également classée monument historique. Les collections furent transférées dans l’Hôtel Laval-Castellane. Les 29 et 30 mai 1909, l’inauguration du nouveau musée est alors l’occasion de grandes manifestations dans toute la ville, avec notamment l’érection d’une statue de Frédéric Mistral sur la place du Forum.

Férigoule aux côtés de Frédéric Mistral lors de la fondation du Museon Arlaten.

Après la mort de Frédéric Mistral en 1914, c’est sa veuve qui, pendant une vingtaine d’années, présida aux destinées du musée, lequel recueillit alors de nombreux témoignages à la mémoire du Maître. Une vie provençale mythifiée, principalement rurale et correspondant aux orientations du mouvement félibre, est représentée dans des salles conçues par le poète, puis remaniées notamment par l’archéologue et folkloriste félibre Fernand Benoît qui fut le conservateur du musée.

Fernand Benoît, conservateur du musée.

Par la suite, sous l’impulsion de Charles Galtier, puis de Jean-Maurice Rouquette et Dominique Séréna-Allier, une volonté d’extension des fonds par dons et achats poursuit l’esprit du fondateur. Les collections du musée deviennent objets de patrimoine à part entière, illustration d’une représentation de la Provence passée et idéalisée. A tel point qu’avec les années, le Museon Arlaten s’impose aujourd’hui au cœur d’Arles comme un véritable « lieu de mémoire » de la société provençale au sens de la définition de Pierre Nora. Un lieu où l’histoire d’une région se dévoile et forge des sentiments d’appartenance à un territoire.

Genèse du projet (2006-2009)

Devenu vétuste, il semblait impératif d’organiser une rénovation ambitieuse du Museon. Le bâtiment de l’Hôtel Laval-Castellane  présentait en effet des problèmes structurels importants et il était nécessaire d’engager une restauration complète du gros œuvre (plancher, charpente, couvertures, escaliers…). Au-delà de ces exigences de conservation, cette rénovation s’avérait aussi indispensable compte tenu de la difficulté d’appréhender les collections, sans cesse plus riches. La fonctionnalité des espaces et des circulations se devait donc d’être entièrement repensée.

Aussi, le 4 décembre 2006, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, présente-t-il le projet de rénovation du Museon Arlaten. Le Conseil décide d’étendre les surfaces dédiées au musée en acquérant la chapelle des Jésuites contigüe pour la consacrer aux expositions temporaires, ainsi qu’une partie de l’Atelier des Roues, au cœur des anciens ateliers SNCF de la ville, réhabilité pour devenir le cœur technique de conservation du musée et abriter le CERCO (Centre d’étude, de restauration et de conservation des œuvres).

Plus qu’une simple rénovation, c’est un chantier complet, architectural et intellectuel qui s’engage. Le chantier démarre en 2007 par l’aménagement du CERCO. Il faut attendre 2008 pour voir commencer les travaux du musée. Les façades de la chapelle des Jésuites retrouvent leur éclat ; sa toiture est restaurée.

Lancement des travaux au Museon Arlaten par Martine Vassal. CD13 – Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby.

CD13 – Coll. Museon Arlaten © Rémi Bénali.

Un an plus tard, en 2009, le chantier du musée fait l’objet d’un concours européen d’architecture pour la rénovation de l’Hôtel Laval-Castellane et la seconde tranche des travaux de la chapelle des Jésuites. 69 équipes candidatent, chacune regroupant 12 compétences spécifiques (scénographe, architecte, acousticien, éclairagiste).

Le 25 octobre 2009, le musée ferme ses portes pour 4 années de rénovation.

 

Le concours d’architecture (2010)

© CD13- Coll. Museon Arlaten.

Des 69 candidatures réceptionnées, seules 5 équipes ont été présélectionnées pour concourir sur esquisse. Le 2 juin 2010, Jean Noël Guérini revient à Arles présenter publiquement les architectes lauréats du concours : il s’agit du groupement constitué de l’agence d’architecture nantaise TETRARC et leur équipe d’architectes-muséographes, l’architecte en chef des Monuments Historiques Pascal Prunet, un muséologue, un éclairagiste, un acousticien, ainsi que des spécialistes en conservation préventive et  nouvelles technologies.

RETOUR SUR QUATRE PROPOSITIONS

TETRARC, Nantes (lauréats)

« Loin de viser une unité de styles, le bâtiment sera traité dans toute son évolution historique depuis l’époque romaine jusqu’aux dernières modifications opérées au XIXe siècle. Au lieu de faire table rase de l’ancienne présentation des objets, le parcours muséal rénové interrogera le passé muséographique du musée lui-même, dans une sorte de mise en abîme.  Les nouvelles technologies donneront à observer les dioramas, le mobilier muséographique du XIXe siècle, pour remonter l’histoire des musées d’ethnographie à travers celle du Museon Arlaten. » Les architectes évoquent une mise en valeur simultanée et réciproque entre le cadre ancien et la nouvelle intervention architecturale.

Michel BERTREUX (agence d’architecture TETRARC) / Pascal Prunet (architecte en chef des Monuments Historiques).

 

ACC Architectes, Paris.

« Le Museon Arlaten est formé de différents de styles architecturaux, juxtaposition riche mais complexe que nous cherchons à articuler autour de 3 principes : dans la cour, renforcement des 2 axes historiques forts, l’axe de l’ancien forum Augustéen et celui du XVIème de l’hôtel de Laval-Castellane. La chapelle des Jésuites, dont l’axe correspond exactement à l’axe romain est ainsi intégrée à l’espace de la cour par son alignement géométrique.
La cour, ré-axée est conçue comme une plateforme d’accueil en bois qui évoque les chantiers de fouilles archéologiques. D’autre part, en ouvrant le mur de l’aile Est au RDC sur la Chapelle, la plateforme devient véritablement un lieu d’échange et de connections des différentes zones du musée. La surface utile de la cour est ainsi augmentée d’environ 200 m2.
Les parcours continus et multiples, offrent à la fois une visite linéaire dans tout le musée et des parcours en boucles afin de multiplier les possibilités de découverte du musée et de l’adapter aux types de visiteurs, intégrant ou non, la Chapelle des Jésuites pour les expositions temporaires.
 »

LACAILLE et LASSUS, Saint Chamas / Scénographie : AGENCE PRIVÉE, Maussane-les-Alpilles.

LECONTE et NOIROT, Paris.

Le concept muséal de TETRARC : le « musée du musée »

La rénovation d’un musée s’accompagne souvent d’une table rase du passé. Les muséographies anciennes disparaissent, remplacées par des dispositifs modernes. Le parcours proposé au Museon Arlaten s’inscrit dans une logique totalement différente. En effet, les nouvelles problématiques reposent sur un cheminement qui reprend le passé muséographique du musée lui-même. Mises en scène significatives (dioramas) et mobilier du XIXe siècle sont conservés : l’atmosphère devient patrimoine.

L’ancienne muséographie. CD13 – Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby.

Ce parti pris scientifique d’un « musée du musée » permettra de gérer l’héritage dont le Museon est dépositaire tout en développant des problématiques contemporaines éveillant curiosité et réflexion. Le Museon Arlaten deviendra ainsi la vitrine précieuse de l’histoire muséale et invitera le visiteur à un voyage commenté dans l’histoire des musées d’ethnographie.

Les présentations muséographiques historiquement datées seront accompagnées d’un parcours interprétatif résolument moderne tel un fil rouge. Il abordera non seulement l’ethnographie provençale, mais répondra aussi aux interrogations sur le contexte, les modalités et les finalités des muséographies réalisées au cours du XXe siècle. La rénovation du Museon Arlaten devra ainsi permettre d’emmener ses visiteurs dans une autre dimension temporelle et intellectuelle, et se tourner vers l’avenir tout en contemplant un passé désormais mis à distance.

Au terme de son parcours, le visiteur aura traversé une histoire le menant de l’accumulation des objets ethnographiques du XIXe siècle, propre à faire naître un sentiment d’appartenance, à la muséographie la plus actuelle de nos modes de vie. Cette découverte est accompagnée d’outils numériques donnant tout leur sens aux collections, à leurs mises en scène successives et dévoilant un patrimoine immatériel toujours plus présent qui fonde aussi le « vivre ensemble » d’un territoire.

 

Réflexions autour de la « tradition »

Le Museon Arlaten est dépositaire d’une « tradition provençale » définie au XIXème siècle, revivifiée puis interprétée jusqu’à nos jours. C’est bien là que TETRARC puise son approche : quel sens donner aujourd’hui à la tradition ? L’agence nantaise trouve sa réponse dans une reformulation de la notion autour de ce qu’il nomme les « inventions de la tradition », et telle que la définit Gérard Lenclud (directeur de recherche honoraire au CNRS, laboratoire d’Anthropologie sociale) :  « la tradition n’est pas le produit du passé, une œuvre d’un autre âge que les contemporains recevaient passivement mais, selon les termes de Pouillon, un point de vue que les hommes du présent développent sur ce qui les a précédés, une interprétation du passé conduite en fonction de critères rigoureusement contemporains ».

Ce concept d’interprétation contemporaine de la tradition constitue le fil rouge des recherches, collectes d’objets, images et enregistrements sonores restitués au public, au premier rang desquels figurera l’exposition temporaire. Cette grille d’analyse permettra d’intégrer au propos contemporain du musée l’approche des comportements sociaux, les représentations mentales de la région dès lors qu’ils interprètent leur histoire, réinventent des traditions dont les origines sont à rechercher au sein même des premières collections.

Enfin, cette grille contribuera à dresser un inventaire raisonné des formes renouvelées d’expressions : celles dont se réclament les artisans d’art (santonnier, ferronnier, faïencier, ébéniste…) ou les professionnels du tourisme. Celles aussi qui s’esquissent dans les créations musicales contemporaines. Entre mémoire et histoire, entre passé et présent, le Museon parlera aux visiteurs d’eux-mêmes.

 

Les nouveaux espaces

La rénovation du Museon Arlaten est l’occasion de repenser l’accueil des visiteurs qui ne se limitera plus à une simple billetterie, mais proposera aussi de nouveaux services tels que boutique et librairie. Le maître d’œuvre a imaginé un vaste hall d’entrée accessible à tous, pratique et esthétique. Une boucle magnétique permettra la diffusion d’informations auprès des personnes malentendantes. Le mobilier d’accueil et les accès ont été étudiés pour une circulation aisée pour tous.

Un escalier monumental desservira les différents étages. © TETRARC.

A proximité de l’espace d’accueil, une salle sera dédiée au vestiaire, sous la forme d’un grand meuble dessiné par l’Agence TETRARC.

Accueil et vestiaire. © TETRARC.

Le Consistoire

La salle du Consistoire, lieu historique des réunions du Félibrige, restera un lieu de rencontres, d’échanges et de découvertes. Adaptée pour accueillir diverses manifestations et événements culturels liés à la programmation des expositions, elle pourra faire office de salle de spectacles, de conférences ou de projections grâce à la présence d’une régie technique, d’une scène et de places assises pouvant accueillir jusqu’à 90 personnes.

La Cour

La cour du musée surplombe les vestiges du forum romain et offre un point de vue unique sur l’ensemble architectural au sein duquel est installé le musée. Elle restera un lieu de détente propice à la rêverie et à la contemplation. Des aménagements architecturaux permettront d’y accueillir plus de visiteurs. Des outils numériques permettront d’explorer l’histoire du bâtiment, tour à tour hôtel particulier, collège des Jésuites, collège municipal, puis musée.

Vue de la cour intérieure rénovée et équipée d’outils numériques.  CD13 – Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand (photo de gauche) / © TETRARC.

Chantier et fouilles dans la cour intérieure.  CD13 – Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby /© Rémi Bénali.

Les espaces pédagogiques

Une fois rénové, le musée poursuivra son travail de valorisation du patrimoine et de médiation auprès des publics. Une salle spécialement dédiée à la mise en œuvre d’ateliers collectifs orchestrés par le service des publics du musée, permettra d’accueillir des groupes et proposer des ateliers créatifs ou stages en lien avec les expositions du musée.

La Chapelle

La Chapelle des Jésuites attenante au musée fait partie intégrante de l’ensemble architectural dans lequel s’inscrit le Museon Arlaten. Jusqu’ici physiquement séparée du musée, elle va pouvoir lui être de nouveau reliée. Des aménagements intérieurs vont permettre d’en faire le lieu d’accueil des expositions temporaires du musée, sans que ce nouvel usage ne vienne heurter la typologie de l’édifice. Des outils numériques permanents permettront de découvrir et interpréter ce patrimoine.

CD13 – Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand /© Rémi Bénali.

Les séquences du parcours renouvelé

L’exposition permanente sera rythmée en cinq séquences chronologiques allant de la fin du XIXe siècle au début du XXIe siècle. Une sixième section sera consacrée aux expositions temporaires qui pourront en compléter ou élargir le propos, ou qui seront consacrées à des thématiques ethnologiques élargies.

Séquence 1 : introduction à la visite

La première partie de l’exposition permanente est conçue comme une transition entre le monde extérieur et l’espace du musée. Elle permet au visiteur de changer d’état d’esprit, de se glisser dans la peau d’un explorateur d’autres temps et d’autres lieux. Introduction à la visite, elle présente les acteurs emblématiques à l’origine de la fondation du Museon Arlaten à la fin du XIXe siècle et les modèles de musées qui l’inspirèrent alors. Mettant en valeur les origines mythiques d’une Provence « gréco-romaine », le musée est l’illustration du propos régionaliste porté par le Félibrige en cette fin de XIXe siècle.

Par ailleurs, ce musée d’un genre nouveau légitime la constitution de collections d’objets quotidiens et leur présentation au grand public. Désireux de mettre au service du projet de Frédéric Mistral les méthodes scientifiques de son époque, Émile Marignan rédige en 1896 un manuel de collecte, sur le modèle de celui du Musée d’ethnographie du Trocadéro. Apparaît alors l’idée d’avoir recours à de véritables appels au peuple pour enrichir les collections du musée.

© TETRARC.

Séquence 2 (1880-1920) : le « Panthéon de la Provence » de Frédéric Mistral

Première étape du voyage dans le temps, cette partie transporte le visiteur à la fin du XIXe siècle, moment de la création des premiers musées d’ethnographie régionale en France. Elle révèle le discours scientifique et les mises en scène des collections que mettent alors en œuvre ces institutions, à travers l’exemple du Museon Arlaten.

A partir de 1896, le musée de Frédéric Mistral présente une Provence dont l’histoire et la culture sont utilisées et façonnées par le mouvement régionaliste. Territoire aux contours mal définis, elle semble dominée par la ruralité et se dessine avec nostalgie. Grâce à des dispositifs d’exposition innovants, le poète ancre ses représentations de la Provence dans la mémoire collective. Les présentations du Museon Arlaten serviront de modèles à beaucoup d’autres. Au sein de cette séquence historique, une salle est dédiée au fondateur du musée : elle est l’occasion de rappeler l’itinéraire intellectuel et littéraire de Frédéric Mistral.

CD13- Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby / © TETRARC.

Séquence 3 (1920-1960) : le folklore en questions

Cette deuxième étape de l’exposition permanente invite le visiteur à découvrir l’évolution des musées d’ethnographie durant l’entre-deux guerres, qui tendent vers une simplification formelle des mises en scène et une plus grande pédagogie. Elle témoigne également, à travers la thématique du costume régional, des prises de position du Régime de Vichy qui utilise alors les institutions culturelles pour sa propagande. Dans les années 1930, les grandes institutions muséales témoignent d’un renouveau muséographique. Explications et outils pédagogiques viennent en appui des expositions en même temps qu’émergent les concepts d’« arts et traditions populaires ». Les études monographiques sur les régions de France se multiplient. Le Museon Arlaten intègre cette fonction pédagogique et cette démarche ethnographique. L’acteur principal de cette mutation est le conservateur Fernand Benoît, qui renoue avec la collecte et double la superficie du musée.

Ce nouveau parcours reconstitue à l’identique ou restitue les présentations muséographiques successives des collections ethnographiques remarquables sur la Provence réunies au Museon Arlaten. Dans un jeu subtil de superposition, il offre aussi au visiteur l’occasion de vivre une expérience inédite. Grâce à une muséographie numérique et à des « cabinets de curiosité », le visiteur pourra interroger de manière interactive les objets pour en saisir le sens et les usages.

CD13 – Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby (photo de gauche) / © TETRARC.

© TETRARC.

Séquence 4 (1960-1980) : l’âge d’or des Arts et Traditions Populaires

Le troisième temps de l’exposition permanente rend compte du dynamisme de la « nouvelle muséologie », initiée après-guerre par Georges-Henri Rivière qui révolutionna le monde des musées d’ethnographie. Sous son impulsion, les années 1960 voient le renouvellement de la discipline ethnographique et de ses mises en scène dans les musées. Il propose une approche globale qui croise différentes sciences humaines et utilise des technologies innovantes (audiovisuels, éclairages dynamiques, cartographies animées…). Avec Georges-Henri Rivière, des réseaux de musées se constituent et mettent en œuvre une muséographie rigoureuse, soucieuse de la conservation des objets et de la clarté du discours. L’exemple le plus remarquable de ce renouveau est réalisé au Musée National des Arts et Traditions Populaires inauguré à Paris au début des années 1970. Pour que « les objets parlent d’eux-mêmes » et soient mis en valeur, la vitrine idéale offre un fond noir, un éclairage directionnel et une architecture transparente. Les mannequins, jugés passéistes, sont abandonnés. Apparaît alors l’idée de suspendre les objets par des fils de nylon quasi invisibles, ce qui confère aux scénographies une nouvelle dimension théâtrale et poétique.

Georges-Henri Rivière – Vue du dispositif multimédia de la salle d’interprétation Rivière. © TETRARC.

 

Séquence 5 (de 1980 à nos jours) : vers les musées de société

Epilogue du parcours de visite, cette dernière partie ramène le visiteur dans le présent, au terme de son voyage dans le temps des musées d’ethnographie. Elle est dotée d’une muséographie résolument contemporaine qui témoigne des dernières évolutions. Cet espace ouvre les thématiques de l’exposition permanente sur le monde contemporain et la société provençale d’aujourd’hui, en s’appuyant sur les résultats des enquêtes menées par le Museon Arlaten depuis une dizaine d’années. Elles portent notamment sur le monde ouvrier d’Arles et l’histoire de ses ateliers SCNF, la communauté gitane du « Quai des Platanes » à Arles, les maintenances des traditions par le biais de l’élection d’une Reine d’Arles, l’univers de la « bouvine » par l’exploration du quotidien d’un manadier et d’un raseteur.

Ces thèmes de fond pourront ponctuellement être enrichis par l’évocation de faits de société fondateurs pour toute une population, tels que les réseaux de solidarité nés des inondations exceptionnelles de 2003. Loin de clore le propos du parcours de visite, cette partie devra permettre des ouvertures sur le futur, l’extérieur, l’Autre. Les rapports humains, le « vivre ensemble », seront formellement placés au centre du propos afin d’amener le public à questionner sa compréhension de la société contemporaine dont il est lui-même acteur.

Aménagement de la séquence 5. © TETRARC.

 

La conservation des fonds et des collections

En amont du chantier de restauration des bâtiments abritant le musée, une grande entreprise de déménagement des collections et des réserves annexes a été mise en place. Après plusieurs années de recherche d’un lieu d’implantation situé en dehors des zones inondables, le choix s’arrête sur l’Atelier des Roues, partie intégrante des ateliers ferroviaires, dont se porte acquéreur dès 2008 le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône : un bâtiment de 1720 m² comprenant une grande salle de 1 250 m² et un atelier attenant de 470m².

CD13 – Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand (photo de droite).

Suite à un appel d’offre public, le cabinet d’architectes marseillais Anne Lévy & Nicolas Magnan est choisi pour réaliser les travaux d’aménagement intérieur. Ce cabinet, spécialisé dans les chantiers patrimoniaux, a notamment réalisé les réserves des Musées de Marseille (RMM), le Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine à Marseille (CICRP).

Chantier de rénovation du CERCO.  CD13 – Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand.

Après trois années de chantier, le Centre d’Étude, de Restauration et de Conservation des Œuvres (CERCO) est inauguré en juin 2013. 38 000 objets, 15 000 ouvrages et 50 fonds d’archives sont inventoriés. Leur transfert a nécessité plus de 80 rotations de camions. Ce grand déménagement s’est achevé en 2015.

Déménagement des collections vers les réserves du CERCO.  CD13 – Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand. (première et deuxième photo) / © Museon Arlaten.

En réponse aux exigences de conservation, notamment de variations infimes de température et d’humidité requises aujourd’hui dans les musées, Anne Levy a su trouver, dans le cadre de l’enveloppe budgétaire prévue, les solutions les plus performantes (isolation, renforcement de l’inertie du bâtiment par l’usage de parois de chambre froide, gestion centralisée du climat, etc…) pour faire du CERCO un lieu d’excellence. L’architecte conçoit une organisation rationnelle et efficace sous forme de magasins dont l’accessibilité permette les opérations successives de conservation appliquées aux collections patrimoniales : dépoussiérage, décontamination, rangement, conditionnement ainsi qu’une salle dédiée à la désinsectisation par congélation et par anoxie (privation d’oxygène).

Installation des rayonnages dans les réserves. CD13 – Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand.

Opérations de conservation, dépoussiérage, décontamination. CD13 – Coll. Museon Arlaten © Sébastien Normand.

Le CERCO est aujourd’hui une référence en France en matière de conservation préventive. Il est aussi un espace d’accueil des chercheurs pour l’analyse des fonds écrits, sonores et audiovisuels ; un véritable pôle scientifique du musée à partir duquel s’organiseront les activités culturelles et scientifiques du Museon Arlaten renouvelé.

CD13- Coll. Museon Arlaten © Jean-Luc Maby / © Sébastien Normand.

 

Quelques repères

2009 : concours européen d’architecture. Fermeture du musée.

2010 : sélection de l’agence d’architecture lauréate : TETRARC Début des phases d’étude. CERCO: chantier d’aménagement intérieur et livraison du bâtiment.

2011-2012 : phases d’étude. Déménagement et installation des collections dans les réserves.

2013-2014 : rédaction des cahiers de charges des travaux. Inauguration du CERCO le 30 mai.

2014-2015 : obtention du permis de construire et lancement des marchés publics pour les travaux.

2015-2016 : démarrage du chantier / le 7 octobre 2016, Martine Vassal, Présidente du Conseil départemental, lance les travaux de rénovation de l’Hôtel Laval Castellane menés par l’agence nantaise TETRARC.

2016-2017 : phase 1 des travaux / architecture.

2017-2018 : phase 2 des travaux / muséographie, mise en vitrine des collections.

2019 : réouverture au public.

Client

Conseil Général des Bouches du Rhône.

Architectes

TETRARC mandataires.

AGENCE PRUNET Architectes en chef des Monuments Historiques.

Projet

Restructuration et refonte du Museon Arlaten.

Surface

2 400 m² SHON.

Coût

22,5M € HT.

Contact

Museon Arlaten – 29-31 rue de la République – 13200 Arles

Tel Standard : 04 13 31 51 99

Mail : museon.arlaten@departement13.fr

https://www.facebook.com/arlaten.museedepartementaldethnographie/

https://twitter.com/museonarlaten?lang=fr

 

CERCO

La quasi-totalité du patrimoine écrit du musée est consultable par les chercheurs, étudiants, amateurs et professionnels de musées :
–  plus de 15000 ouvrages patrimoniaux (les fonds : F. Mistral, P. Mariéton, des familles Jouveau, Julian ainsi que le fonds des manuscrits) ;
–  60 mètres linéaires d’archives historiques datant du XIXème au milieu du XXème siècle (les fonds : C. Galtier, des familles Jouveau, Julian et le fonds de l’Aïoli) ;
–  plus de 1000 titres de périodiques, allant du XIXème au début du XXème siècle.

Pour pouvoir accéder à ces documents, la consultation est possible sur rendez-vous les mardis, jeudis et vendredis de 9h à 12h et de 14h à 16h30.
Uniquement sur demande par courrier au Museon Arlaten, 31 rue de la république – 13200 Arles, ou par mail : florence.sizaret@departement13.fr, annemarie.para@departement13.fr

Le centre de documentation des ouvrages récents est également accessible sur rendez-vous : annemarie.para@departement13.fr

CD13 – Coll. Museon Arlaten © Rémi Bénali.