Abbaye de Montmajour, ARLES |

Exposition « Les graffitis marins ».

Avril 2018

La mise en lumière des graffitis marins de l’abbaye de Montmajour s’inscrit dans le cadre de la saison nationale « Sur les murs, histoire(s) de graffitis » du Centre des Monuments Nationaux. Les graffitis historiques sont indissociables des parcours de visite des châteaux de Vincennes, d’If ou des remparts d’Aigues-Mortes, mais ils sont souvent plus discrets comme à l’abbaye de Montmajour.

La découverte de dessins dans le cloître de Montmajour était plutôt inattendue. Connu des archéologues et historiens de l’art, le cloître n’avait retenu l’attention que par ses proportions, sa typologie et ses ornementations. Il a fallu la sagacité et le don d’observation d’un chercheur spécialiste d’archéologie navale (Albert Illouze, Département des Recherches Archéologiques Sous-Marines et Subaquatiques, Marseille) pour découvrir durant l’hiver 1993, sur l’apparente uniformité des murs, une importante série de navires finement gravés, très peu lisibles pour des personnes non initiées à la subtilité des graffitis anciens.

Les graffitis marins de Montmajour

À partir du XIIe siècle, la Méditerranée redevient le cœur du monde, une mer traversée par de nombreuses routes commerciales. À cette époque, l’abbaye de Montmajour est un centre de spiritualité chrétienne très puissant. Perchée sur son rocher, elle domine une plaine de marécages et se situe à 4 km du port fluvial et maritime d’Arles.

Il faut noter que l’abbaye est placée sous les protections de la Vierge, de Saint-Antoine, de Saint-Pierre, gardiens des marins. Le prestige lié à sa position et à la présence de reliques font de ce lieu un important centre de pèlerinage visité. Dans la pensée chrétienne de l’époque médiévale, le navire a une valeur symbolique très importante puisqu’il représente le monde terrestre confronté au mal. Il était alors normal d’invoquer certains saints et de les remercier pour la protection des équipages.

Les graffitis du cloître

La série des graffitis du mur ouest du cloître est de toute importance tant par son nombre (on compte 25 navires) que par sa qualité d’exécution. Cela démontre que l’auteur a une grande connaissance du milieu marin. La finesse des traits et l’usure du temps les rendent difficilement lisibles. La majorité des représentations se situe à hauteur d’homme. Ils ont sûrement été réalisés par un seul artiste ; en effet, les coques sont superposables entre elles et ont des dimensions similaires. Ces graffitis marins sont d’une rareté exceptionnelle. Ils constituent un formidable document historique pour la connaissance de l’architecture navale du XIIe siècle. La datation de la construction du mur ouest du cloître, ainsi que certains éléments techniques représentés, ont permis aux chercheurs de les dater de la fin du début XIIIe siècle.

On trouve plusieurs catégories de navires dont les galères, couramment utilisées en Méditerranée, ainsi que des vaisseaux de type intermédiaire. La galère est un navire typique par sa propulsion mixte : rame et voile. Son identification sans équivoque est rendue possible par le fait que sa palamente (ensemble de rames) est bien représentée. Les galères ont des silhouettes élancées, la proue en direction du Nord et trois traits parallèles déterminent la coque du bateau. Sur la plupart des représentations, on peut distinguer l’ensemble des éléments qui constituent un navire : la proue, les rames, le mât et les voiles. Ils sont représentés dans une attitude de navigation comme la plupart des graffitis navals. La forme générale des navires intermédiaires ne déroge pas au style des galères, mais l’auteur a utilisé des traits plus simples.

Une voilure méditerranéenne

De nombreux graffitis de Montmajour représentent des navires avec des voiles latines, éléments caractéristiques de la Méditerranée. Le gréement se compose d’une voile triangulaire montée sur une antenne et fixée de façon asymétrique par rapport au mât. Elle est parallèle à l’axe du navire. Même si son origine est sujette à controverse, il est tout à fait probable que la voile latine en Méditerranée découle d’une évolution de la voile carrée antique. La voile latine est d’une grande efficacité pour longer les côtes et pratiquer le cabotage. Les voies de navigation de commerce maritime sont à l’époque essentiellement côtières.

Une galère tirant un radeau en remorque (n°10)

D’une longueur de 29,5 cm et d’une hauteur de 24 cm, elle est située juste au-dessus du sol. Sa silhouette élancée est tournée vers le nord. Trois traits parallèles figurent la coque du navire. Ces traits fins sont arrondis aux extrémités pour marquer la proue et la poupe du navire.

Perpendiculaires à la coque, neuf traits représentant les rames sont placées à égale distance les unes des autres. Une voile latine est dessinée ; elle est très longue et prend appui sur l’avant du bateau. Dans la zone postérieure du navire, on trouve un dessin rectangulaire parcouru de traits à la verticale, parallèles et reliés par d’autres traits à l’horizontal. On peut identifier ce dessin comme étant la représentation d’un radeau relié à la galère. La descente de bois par flottage est courante sur les cours d’eau navigables d’Europe occidentale ; un bois souvent destiné à la construction navale. Le comté de Provence et l’archevêque d’Arles prélevaient un droit de péage en nature sur ces radeaux descendant le Rhône.

Une embarcation fluviale (navire n° 21)

Cet élégant navire appartient à la catégorie des navires intermédiaires similaires. Il mesure 38,5 cm de long. et 21,5 cm de haut. Sa silhouette est similaire aux bateaux qui naviguent sur le Rhône ; leur particularité est de présenter un fond plat avec un avant à seuil large, sorte de passerelle utile pour le débarquement. Trois traits parallèles figurent là encore la coque du bateau. Malgré les parasites, on remarque à la poupe du bateau un timon axial muni d’une barre franche : c’est le gouvernail. C’est lui qui permet aux marins de donner une direction au navire. La voile est une nouvelle fois représentée et reliée à l’avant du bateau. Elle part du mât représentée par un très vertical au milieu du navire.

Un navire de transport accompagné

Habituellement, les voilures figurent uniquement sur les galères. À Montmajour, il existe une exception dans la représentation d’un navire de transport affrété pour le convoyage de marchandises, mais aussi dans sa localisation au sein de l’abbaye (mur est). Sa coque est de plus grandes dimensions et ses planches de bordé sont assez marquées. On peut distinguer la proue et la poupe par l’accentuation inclinée de l’avant. Bien que peu détaillés, on note la présence de deux arbres. L’utilisation de ces navires de transport dans les ports de Marseille, Barcelone, Gênes est attestée par des inventaires de l’époque.

Le travail de recherche de 1993 a permis de découvrir en parallèle des graffitis dans un tout autre registre : visages, équidés, scènes équestres, figures zoomorphes sont apparus, mais ils sont non étudiés à ce jour.

INFORMATIONS PRATIQUES 

Exposition du 20 mars au 17 juin 2018.

Tarifs : compris dans le droit d’entrée du monument.

6 € en tarif plein, 5,50 € en tarif réduit.

Gratuit pour les moins de 18 ans, les demandeurs d’emploi, les personnes handicapées et leur accompagnateur, pour les moins de 26 ans ressortissants des 27 pays de l’Union européenne et résidents réguliers non européens sur le territoire français et pour les titulaires du pass éducation du ministère de l’Éducation nationale.

Billet jumelé abbaye de Montmajour + fondation Van Gogh : 12 €